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Acte I - le jeu de l’usure
Le texte se constitue telle une matière en mouvement qui cherche à fabriquer de l’altérité à partir de l’idée d’usure – intuition que les auteurs cherchent dans le même temps à définir.
La forme, oscillant entre poésie et philosophie, ouvre une cave à outils en vue d’un usage qui reste indéterminé.
La pensée de l’usure selon les enfants de Saturne comporte un aspect descriptif en tant que phénomène pré-humain et une dimension de potentialités. Ce dans la ligne ouverte par les déploiements et opportunités de l’usure [1].
Dans l’histoire, nécessairement l’usure joue.
La somme d’usure.
À force s’accumulent les passations qui font transiter les substances dans le processus dynamique d’altérations surimposées propre à l’usure.
Un mouvement se déploie qui, même imperceptible, fait passer les substances, parfois même trépassent. Passent d’une domination à l’autre ; influences qui les travaillent et les rendent autres [2]. Les passations forment la trame de fond des substances passagères qui -sous influences- s’altèrent. La domination est à comprendre dans un tissu [3] de dominations inter-agissantes, une substance agit et est à la fois sous plusieurs actions d’usure d’échelles différentes. Ivre tissage nornien, complexité en construction.
Temporellement, les substances transitent. Elles baignent, marinent dans un mouvement spatio-temporel, passent, traversent cette baignoire-lieu [4]. Elles vont contre et rencontrent, buttent, traversent, se frottent au contexte [5]. L’aller-contre, besogne sur les limites. Le tissu est déchiré, des bouts de fils sont arrachés et tendus sur le trajet. Des morceaux sont restés sur le carreau, tissus tachés, d’autres bouts ont été emportés. Les substances s’en trouvent en permanence altérées, sur-altérées, désaltérées éventuellement.
L’histoire de l’usure émiette, déchire les liens, morcelle. Elle génère dans ce moment des excitations, vibrations transmises dans les frottements qui agitent la corporéité. Génère aussi l’ouverture du dedans, la conscience du gouffre, peur du vide qu’ouvre l’expérience intérieure. Particulièrement dans la rencontre avec ces miettes singulières, éminemment excités et intérieurement ouvertes ; les aspérités [6] émergent de l’usure, seules. Essoufflées, les yeux exorbités, la bouche ouverte Mais aussi l’usure colle ensemble, compression de diversiel [7], comme dans une sorte de feutre. Forge les principes hybrides. Reforme des complexes. Tissus de dominations rapiécées [8].
Le temps ainsi, écoule. L’usure se déploie, ravage. Le temps passé, perdu, des substances qui subissent des pertes. Là-dessus les choses nous échappent. Le monde décante. Par cette accumulation négative les substances se chargent, portent un potentiel de négativité (la deuxième altération, l’immatérielle).
Dans ce vers ailleurs de l’altération tombe la question gluante du sens. Malgré soi on s’en trouve éclaboussé. Par ce caractère divergeant, plurisémique ; l’usure tendrait-elle au chaos ? Pressons donc ce chaos, frottons la sémantique au tréfonds, dans son étymologie velue -chaos de la racine indo-européenne -ghei-, Chaîno en grec, d’ouverture béante... de genèse, de terre matrice mère sexe.
Haracton Viator
Interjection
Les bacchantes pleurent.
Athila, alacre :
Foutre ! À chaque foutue putain tringlée par dégoût, qui devenue depuis reine de son trou glaireux. À chaque coup de dent, la chair faisandée, embaume mon ivresse. C’est moi !
- cruci-fiction n°1 - sale histoire
L’intervention de l’Homme
Excité il prend l’histoire, au prise lui même avec l’usure il se saisit du temps. Prise comme (re)lecture, par l’homme, du temps, l’histoire sous un deuxième jour [9].
L’événement dans la somme d’usure n’est qu’une particulière perception due à l’altération physique qui épuise et marque les corps. Et, inclut dans se tissu de domination l’homme ne cesse dès lors de graver sur les parois de sa grotte, de surajouter son usure, ne serait-ce que pour inscrire sa domination dans le temps qui lui échappe. Et la putain est aussi une louve quand elle nourrit Romulus grand père mussolinien [10]. Le grand jeu sémiotique est lancé, les substances défilent manipulées, maquillées [11]. Les plaisirs s’éveillent, irréversibles. La damnatio memoriae perpétuellement besogne.
Mais là (attention, il n’y a pas nécessairement de suite au sens chronologique), uniquement dans la (re)lecture : le collectif gronde ; risque du conditionnement, les tribulations du langage figent et déplaisent. L’histoire tombée dans la sphère du social devient une construction structuraliste d’universion [12]. L’aspérité devient individu, regarde ses congénères, répond aux questions, calme les frénésies d’excitations et interdit les obsessions.
Si elle peut être (re)lue, l’opportunité est ouverte d’écrire l’Histoire, histoire singulière, celle d’engager sa propre corporéité dans l’usure, prendre part ; vieillir. C’est l’aspérité qui tranche ses liens -les liens ne sont peut être jamais tranchés qu’importe- c’est l’action du cisaillement dans le possible. L’aventure ouvre à l’inconnu, enivrements. Le mythe comme expérimentation vécue. On manipule les dominations, joue à tirer sur les courroies, navigue sur les tissus complexes pour chercher l’inconnu de la nuit ; horizon de déploiements. Au travers de ses situations construites [13], je me prends à mon propre piège, surprise, délectations des systèmes usurpés.
Ainsi donc l’indécollable sens retrouve sa sensualité. Les mots sont d’abord dans la bouche, le coups de langue a la sémantique juteuse. Dans cet instant de sensation qui fait sens dans la chair, hors du discursif -à travers l’expérience intérieure [14]- jouit, exacerbant les vanités. Les constructions s’écroulent. Toucher sans voir.
Navonien
Épilogue
Carmen mundi .
User, s’user. Dans le jouer, les acteurs s’épuisent et consument. L’écrire, ici, surimposition, contrajection de l’encre qui porte avec elle les affres de nos vécus ; tâches. A l’origine l’inévitable, « le fond des choses c’est la douleur » [15], le questionnement lancinant fait appel à la tripe, sans y échapper. En le chantant, l’acteur porte le poids du monde. Drame de l’enchaînement poïétique-poïématique, enveloppements enchevêtrés, chute de délectations en délectations.
Et peut-être même, sauter.
L’Ange des Attides

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[1] Cf. Le texte liminaire « de l’usure, déploiements et opportunités »
[2] L’italien -influenza : la grippe- faire ressortir les mouvements de dominations dans leurs influences fiévreuses, déplacements contaminatoires.
[3] On peut y voir une résonnance leibnizienne dans l’appartenance et la possession des monades dans les plis, théorie du vinculum (DELEUZE Gilles, « le pli, Leibniz et le baroque », les éditions de minuit, Paris, 2009).A laquelle il faut certainement rendre son dédale bataillien « l’homme est une particule insérée dans des ensemble instables et enchevêtrés » (BATAILLE Georges, « L’expérience intérieure », Gallimard, Paris, 2011, p. 97). Autrement chez Spinoza dans l’appropriation de parties extrinsèques dans un rapport (cf. Deleuze cours sur les trois genres de la connaissance de Spinoza, http://www.ubuweb.com/sound/deleuze.html).
[4] Heidegger –malgré tout- parle à ce sujet de contrée (« gegend »). Ici elle est à comprendre comme en permanente redéfinition.
[5] Au merveilleux terme de trajection d’Augustin Berque –« Ce terme exprime la conjonction dynamique, dans l’espace-temps, de transferts matériels et immatériels […] du latin « trajectio » traversée transfert. Le français du XVIe siècle, par exemple chez Montaigne, employait encore le verbe trajecter dans le sens de transporter »- (BERQUE Augustin, « Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains », Belin, Paris, 2010, p. 150). Il faudrait presque, insistant sur les croisements violents du parcours historique, forger le terme de contre-trajection, contrajection.
[6] Prises et achoppements dans le même temps.
[7] Etat désunifié de la diversité, très certainement à opposé à l’universel.
[8] Notamment par le fait d’avoir été usé ensemble.
[9] Au passage, cette (re)lecture reste un processus usurier.
[10] Dans la même perspective Mussolini nietzschéen prend –délicieusement- des airs de « sans-patrie ».
[11] Truquées –en italien maquiller : « trucare »- plaisir des apparences.
[12] Pour le terme d’universion, se tourner vers l’un, abolition du divers dans l’unicité, (cf. BERQUE Augustin, op. cit., p101).
[13] « Moment de la vie, concrètement et délibérément construit par l’organisation collective d’une ambiance unitaire et d’un jeu d’événement » (Libero Andreotti, « Le grand jeu a venir, textes situationnistes sur la ville », éditions de la villette, Paris, 2007, p. 137).
[14] Terme emprunté à Bataille (BATAILLE Geroges, op. cit.), le vécu historique comme expérience ouvre un gouffre dans le langage, comme sensationnelle sortie du discours.
[15] Antonin Artaud énonce là une sorte d’aporie fondamentale (« Suppôts et suppliciations », Gallimard, Paris)